31 octobre 2023

 Fin de vie des vergers : le broyage et le déchiquetage en plaquettes comme alternatives au brûlage 

Comment gérer la fin de vie d’un verger ? Pour apporter des éléments de réponse à cette question et en discuter, la Chambre d’agriculture de Tarn-et-Garonne a saisi l’occasion d’un chantier programmé chez Etienne Lafargue, arboriculteur à Mirabel, pour organiser une rencontre sur le terrain autour des différentes pratiques le 4 octobre dernier. Bien qu’il n’existe pas de données chiffrées précises, le brûlage après arrachage reste majoritaire. Pour le bois issu de vergers, il est en effet toléré dans le département si celui-ci est préalablement débarrassé de tout élément étranger (fils de fer, filets, irrigation et même piquets s’ils sont traités). Les conditions à respecter sont notamment de se tenir à plus de 200 m d’une zone boisée en été, de respecter des horaires (de 11h à 15h30 de décembre à février et de 10h à 16h30 le reste de l’année), de brûler du bois sec et bien sûr en l’absence de vent. Toutefois, les nuisances sont nombreuses, pour les riverains, l’environnement, le climat…

De nouvelles approches se développent telles que le broyage avec enfouissement des résidus et le déchiquetage en plaquettes. Et des thèmes connexes émergent tels que le stockage du carbone, la matière organique, la fertilisation. Autant de sujets abordés sur cet après-midi riche d’informations et d’échanges, qui a aussi été l’occasion pour les participants d’assister au broyage d’un vieux verger de prunier en direct !

Déchiquetage en plaquettes

La transformation en plaquettes est l’une des alternatives au brûlage. Gabin Garrigues, animateur à la FD Cuma 82 a présenté la prestation déchiquetage proposée par l’Union des Cuma Bois Energie, une structure interdépartementale créée en 2009 qui compte 90 adhérents. Elle est équipée d’une déchiqueteuse qui se déplace sur les chantiers. Elle peut produire des plaquettes de 3 dimensions différentes selon l’usage auquel elles sont destinées : paillage pour animaux et horticole, chaufferies de particuliers et industrielles. En arboriculture, elle n’a pour l’instant pas été utilisée dans notre département. Toutefois, l’animateur a évoqué deux points de vigilance, la terre des souches et les fils de fer pris dans le tronc, qui peuvent endommager la machine et déprécier la qualité des plaquettes.

La coopérative forestière Alliance Forêt Bois quant à elle travaille à l’échelle industrielle le bois énergie à partir des bois d’élagage et de recyclage (emballages, palettes…), des vergers, voire d’une partie du bois forestier. La prestation en verger porte sur la coupe au ras du sol, le débardage jusqu’à un site accessible où il sera laissé en place un certain temps pour lui permettre de perdre son humidité. L’intervention sur place avec le broyeur se fait de préférence en hiver, pour être directement livré en chaufferie. L’intervenant a toutefois attiré l’attention sur la qualité « assez médiocre » des plaquettes issues de vergers qui trouvent principalement un débouché dans les chaufferies industrielles des très gros clients de la coopérative.

Broyage

Thierry Malmon de l’entreprise T.L.R Malmon de Lafrançaise a développé depuis 2019 une prestation de broyage. Il intervient dans les vergers, préalablement débarrassés des filets, des systèmes d’irrigation, des fils de fer et des piquets traités, au moyen de deux broyeurs, l’un de surface pour le premier passage sur la partie aérienne de l’arbre, l’autre à la suite qui descend dans le sol pour broyer la souche. Entre 8 et 12 h sont nécessaires pour broyer ainsi 1 ha.

Etienne Lafargue explique qu’après l’intervention de l’entreprise, il passera le décompacteur pour contrer l’effet de lissage occasionné par le second passage de broyeur. Comme il en a l’habitude depuis des années qu’il pratique le broyage, il replantera dès cet hiver : « C’est la planteuse qui fait le travail plus important, ça ne sert à rien de labourer. » Il apprécie le gain de temps que cette technique permet.

Il précise cependant que la première année, il renforce la fertilisation azotée pour éviter le phénomène da faim d’azote lié à la décomposition du bois. Dans ce but-là, d’autres producteurs qui utilisent le broyage ont aussi pris l’habitude d’implanter un couvert de légumineuses pendant un an avant de replanter sur la même parcelle.

Dominique Forneris

Des alternatives pas si chères que ça…

L’argument majeur avancé par les producteurs pour le brûlage est le coût moindre par rapport aux autres techniques. Mais en y regardant de plus près, la différence n’est pas si importante que cela, et surtout les bénéfices annexes des alternatives sont nombreux.

En effet, la règlementation oblige dans tous les cas à sortir pour brûler les filets, les fils de fer, l’irrigation, les piquets… Cette opération que l’on peut estimer entre 50 et 70h/ha est importante c’est vrai, mais elle doit être sortie de la comparaison car obligatoire dans toutes les situations.

Par ailleurs, un chantier de brûlage coûte environ 1600€/ha. Thierry Malmon détaille qu’une opération de broyage/enfouissement revient environ à 2600€/ha. Pour un chantier de transformation en plaquette, l’opération de déchiquetage peut être gratuite pour le producteur grâce à la revente des plaquettes à partir d’une surface d’environ 2ha (possibilité de s’organiser à plusieurs). Il reste alors à financer le broyage des souches pour environ 1700€/ha.

Si les bonnes conditions sont réunies, ces chantiers peuvent donc être équivalents en coût au brûlage ou au maximum 1000€/ha plus cher mais avec un gain de matière organique qui serait bien plus onéreux que cela si on l’apportait avec des engrais organiques. Si l’on ramène cela au coût total d’implantation d’un nouveau verger autour de 60 000€/ha, ces alternatives doivent aujourd’hui être rapidement reconsidérées !

Marie Dordolo, conseillère arboriculture Chambre d’agriculture 82

 

Bénéfices du broyage pour la matière organique et le climat

Tout le monde est aujourd’hui conscient du rôle crucial de la matière organique des sols. La vie microbienne du sol est très fortement stimulée par ce type de pratique. Et l’augmentation du taux de matière organique a aussi une importance majeure sur la réserve utile du sol qu’il faut regarder avec intérêt au vu des épisodes de sécheresse que l’on peut attendre demain. En broyant un verger d’une vingtaine d’année, on enfouit en moyenne 46 tonnes de matière sèche par hectare. On peut ainsi relever d’environ 0,5% le taux de M.O. d’un sol.Côté carbone, c’est simple, la filière arboricole communique beaucoup sur le rôle de stockage de carbone de vergers. Mais ceci n’est vrai que si le verger n’est pas brûlé en fin de vie. En cas de broyage ou de transformation en plaquette, le verger est stockeur net si on fait le bilan sur sa durée de vie. Le stockage dans les parties ligneuses compense alors les émissions liées à la conduite du verger (carburant, engins, engrais…).  Mais si le verger est brûlé, tout le carbone stocké pendant sa vie est relargué d’un coup ; il devient alors émetteur de gaz à effet de serre et participe dans ce cas lui aussi au réchauffement climatique !

M.D.