Protection contre le gel : retour sur quelques fondamentaux
à travers le témoignage de 2 arboriculteurs
Philippe Planavergne exploite un verger de pommiers dans la vallée de l’Aveyron et Baptiste Fourniols un verger de cerisiers et pruniers sur le secteur de Molières. Plaine et fruits à pépins d’un côté, coteaux et fruits à noyaux de l’autre ; et la volonté de faire évoluer leurs stratégies de protection contre le gel en fonction des contraintes et des possibilités offertes par leurs situations respectives
A travers les stratégies mises en place par les 2 producteurs, c’est l’occasion de se remettre en mémoire r quelques fondamentaux de la lutte anti gel. A commencer par le fait que la fumée, contrairement à une croyance bien ancrée, ne protège pas du gel.
Philippe Planavergne exploite un verger de 60 ha environ de pommiers dans la vallée de l’Aveyron à Villemade. 40 ha en conventionnel et près de 20 ha en bio. Une partie du verger se situe en bord de rivière, avec un accès facile à l’eau et une situation privilégiée par rapport aux gelées printanières. L’autre partie du verger, plus récente, est plus éloignée de l’Aveyron. Et au printemps, les températures y sont souvent un peu plus froides. « en 2021, j’avais 1 degré de moins sur ces parcelles » confirme l’arboriculteur équipé de 6 stations météo Comsag pour suivre, en autre, le risque gel.
L’aspersion : de loin le plus efficace sur pommier:
La stratégie de protection anti gel de Philippe repose,-comme pour beaucoup de vergers de pommiers en plaine, en priorité sur l’aspersion ; les blocs de parcelles les plus proches de la rivière en sont équipés: 20 ha depuis 1991 et 10 ha de plus depuis 2021, grâce au plan de relance. Ce qui porte à 50% la part du verger protégé par aspersion. Pour Philippe, « il n’y a pas photo ; c’est l’aspersion qui est de loin le plus efficace ».
A condition toutefois de respecter quelques fondamentaux. A commencer par un débit horaire suffisant : 40 à 45 m3/heure et par ha sont nécessaires pour protéger efficacement jusqu’à -5 ou -6°C°. Le printemps 2021 nous l’a rappelé durement. De nombreux producteurs, pour tenter de sauver plus de surface, ont voulu ouvrir plus de lignes que prévu. Avec pour conséquence un débit ha moindre, de l’ordre de 30 ou 35 m3/heure, et une protection décevante voire inexistante. « Pour augmenter le débit de mon installation, je viens de changer la pompe de gavage. Elle était trop faible et je devais brider la pompe de surpression » rajoute Philippe.
Ces 2 dernières années nous ont également rappelé l’importance de la qualité de la répartition de l’eau. Quand les asperseurs sont trop éloignés, on observe des irrégularités dans la protection aux points de re croisement et en bordure de parcelles. C’est particulièrement visible sur kiwi. Quand ils sont trop proches (c’est plus rare !) et que le jet d’eau les touche, le risque c’est la prise en glace. « chez nous, selon les parcelles, les asperseurs sont à 18x18 ou 16x18 et parfois 20x18 » précise Philippe. L’autre point crucial pour la réussite de l’aspersion, c’est le démarrage. « Il faut démarrer tôt » insiste Philippe. En 2021, plusieurs producteurs ont déploré de gros dégâts de gel sur des parcelles protégées par aspersion, à cause d’un démarrage trop tardif. Quand l’air est sec, les premiers m3 d’eau vont s’évaporer pour saturer l’air en humidité. Cette évaporation va créer du froid et faire baisser les températures au lieu de les remonter comme espéré. Les températures baissent jusqu’à la température « humide » qui en 2021 était de 2° à 3° inférieure à la température sèche. D’où la nécessité de disposer d’un thermomètre « humide » qui va nous donner la température en condition d’évaporation. Et de se baser sur ces températures « humides » pour la mise en route et l’arrêt de l’aspersion.
2 tours à vent grâce au plan de relance :
Suite aux gelées de 2021, et grâce encore au plan de relance, l’arboriculteur a investi dans 2 tours à vent ; une a été mise en place en 2022 et la seconde en 2023. En espérant qu’elles protègeront partiellement 8 à 10 ha de plus. « En 2022, j’ai vu nettement moins de fleurs gelées à proximité de la tour à vent que en dehors de sa zone d’influence ; mais c’est difficile de conclure car au final la production était identique! » nous confie Philippe. Les retours d’expériences sur les tours à vent sont assez mitigés. Avec des résultats décevants dans certaines parcelles, meilleurs dans d’autres. « Tout dépend des températures » nous rappelle avec du bon sens un utilisateur. Contrairement à l’aspersion qui protège une surface bien délimitée jusqu’à – 5°C, la tour à vent a une zone d’influence plus ou moins irrégulière en fonction de la topographie, des écoulements d’air, des températures et des types de gelées. On considère que lors d’un gel par rayonnement, avec un plafond d’inversion des températures, une tour à vent peut permettre de gagner 0.5 à 1.5°C sur une surface de 3 à 4 ha. Dans le cas d’une gelée noire par contre, sans plafond d’inversion, les tours à vent sont inéficaces.
Comme pour l’aspersion, le démarrage devrait se faire en fonction de la température humide. Le brassage de l’air peut en effet provoquer de l’évaporation et donc un refroidissement du végétal, jusqu’à la température humide, lors de la mise en route. Et si un chauffage est associé au brassage d’air, il est recommandé de le positionner non pas au pied de la tour mais au-delà d’un rayon de 50 m à partir de la tour.
Article écrit par Marie Dordolo, Jean-Louis Sagnes, Julie Cadot et Maxime Crouzet, Chambre d'agriculture 82
Pour en savoir +, abonnez-vous !