Publié le 3 février 2025

Sur les hauteurs d’Auvillar, Lucas, jeune vigneron, propose aussi son huile d’olive
depuis l’an dernier

«Ne pas se diversifier pour se diversifier », mais plutôt capitaliser sur l’existant et tirer pleinement parti des atouts de son système d’exploitation. C’est ainsi que l’on pourrait résumer la réflexion de Lucas Froment, jeune vigneron qui a planté des oliviers sur son domaine à Auvillar.

En 2017, il reprend l’exploitation familiale : le domaine de Thermes, qui compte aujourd’hui une vingtaine d’hectares de grandes cultures en conventionnel (dont 3 ha en semences), 10 hectares de vignes en agriculture biologique, vinifié sur place, et, depuis peu, 2 hectares d’oliviers, également conduits en bio.

Un projet « qui fait sens » pour son exploitation

Lucas prend régulièrement du recul sur son activité. Plusieurs éléments l’ont amené à planter des oliviers. L’idée a germé avec ces 30 ares de vignes arrachées à cause de pieds malades : se pose alors la question de les remplacer. Dans un premier temps il pense à l’olivier comme un élément paysager qui embellira le site sur cette petite surface. Mais au-delà de l’aspect esthétique, il réfléchit à la globalité de son entreprise : proposer de l’huile d’olive à ses clients en complément du vin « fait sens », à l’image des modèles en Proven-ce ou en Italie. Le potentiel pédologique est là, la capacité de vente également - avec une clientèle en vente directe ou en circuit court via un réseau de cavistes et restaurateurs - et les travaux culturaux « ne se télescopent pas trop avec la vigne ». « L’olivier, c’est le point clé qui permet de s’intégrer (au système d’exploitation) techniquement, économiquement et en termes de marketing, d’image, donc on garde la main sur les prix, la valeur ajoutée. ». Au démarrage il rapporte que « la seule incertitude concernait les températures basses, mais on a vu que globalement le froid n’était pas un souci, ce n’est pas gélif chez moi ». Il a aussi rencontré la problématique des dégâts de gibiers sur la parcelle la plus éloignée de son habitation. Pour y faire face, il a dû mettre en place des clôtures.

Et techniquement parlant ? Ingénieur agronome formé à l’ENITA de Bordeaux, Lucas a de solides bases en agronomie, et la faculté de développer ses connaissances pour réussir l’implantation et la conduite des arbres. Il se réfère à la littérature scientifique, suit une formation avec l’interprofession et demande conseils auprès du moulin ou de son pépiniériste. Prudent, il a planté ses oliviers progressivement, à raison d’une soixantaine d’ar-bres par an depuis 2019, sur des surfaces qui étaient en jachères ou en céréales. Pourquoi petit à petit ? « J’ai choisi une plantation fractionnée et progressive pour prendre la mesure d’une culture qu’on connaît peu dans le Sud-Ouest ». Côté matériel, il a limité les investissements : « J’ai tout fait à l’économie », ne voulant pas « me mettre en difficulté sur quelque chose qui restera un atelier. ».

Une clientèle déjà présente

À l’image de la montée en gamme progressive des vins du domaine depuis une trentaine d’années, le vigneron souligne qu’il lui tenait à coeur de proposer une huile de qualité, « un positionnement haut de gamme, en lien avec celui du vin ». Avant de se lancer, il a réfléchi à l’organisation de son travail, mais aussi à l’équilibre financier de cet atelier. D’ailleurs s’il avait un conseil à donner pour se diversifier cela serait de « connaître sa finalité, où vendre et à combien, et taper juste économiquement ». Dans son cas Lucas précise que sa clientèle était prête à accueillir ce nouveau produit, et le système de vente de l’exploitation adapté à l’arrivée de l’huile d’olive. En effet la vente directe est bien développée depuis plusieurs années, ainsi que le réseau d’intermédiaires : plus de 50 % des ventes de vin se font à la ferme, et le reste en circuit court auprès de cavistes et restaurateurs. Lucas a eu le plaisir de vendre ses premières bouteilles d’huile d’olive avec une petite production l’an dernier, plus conséquente cette année avec 60 litres.

Pour la suite, l’augmentation des surfaces en oliviers n’est pas prévue, l’exploitant souhaitant que cela reste un atelier, la majorité de son temps de travail étant dédié à la vigne et au vin. En revanche l’agriculteur prévoit à court terme de transformer son huile sur le domaine. Habitué à l’organisation d’apéro-concerts l’été, il envisage aussi de développer les activités autour des arts de la table, en proposant par exemple des repas avec des chefs cuisiniers, en accord avec le vin et l’huile d’olive.

Raphaëlle Lenoble