Publié le 18 novembre 2024

La noisette conduite dans l'impasse

Séverine Bégué s’est installée en 2019 sur l’exploitation familiale située à Saint-Arroumex où les noisetiers était déjà là, les premières plantations remontant à 1987. Avec 35 ha de surface nette arborée, la noisette est sa seule production. Aujourd’hui âgée de 46 ans, elle est par ailleurs  administratrice de la coopérative Unicoque et de l’ANPN. Son époux Jérôme a sa propre exploitation qui compte 17 ha de noisetiers, le reste est en grandes cultures. Ensemble, ils disposent de leur propre station de stabilisation où les noisettes sont nettoyées et séchées pour être amenées entre 6 et 8 % d’humidité, avant d’être acheminées en benne vers l’usine de Cancon. En présence de son fils Paul, actuellement étudiant, qui se projette sur une installation à horizon de 10 ans, Séverine évoque les grandes difficultés qui affectent la filière noisette et son exploitation « 100% noisette ».

« On s’en sortait, même très bien, jusqu’en 2022, où on a eu les premières complications dues à la punaise diabolique. En 2022, j’ai perdu 50 000 euros de chiffre d’affaires. J’ai eu la même perte également en 2023, mais avec plus de rendement qu’en 2022, due aux attaques de ravageurs. » pose l’exploitante.

Avant d’en venir à 2024 où les difficultés culminent « avec un manque de 30% de volume en raison de problèmes de pollinisation et de fécondation mais il manque aussi du volume en raison de la chute qu’occasionnent les ravageurs, balanin et punaise » explique-t-elle. A ces pertes cumulées s’ajoutent des dégradations de qualité sur le tonnage finalement récolté. Elle complète : « Actuellement, on estime entre 25 et 33% de défauts de pourritures externes et internes de l’amandon induits par des piqures de punaises. »

Problème de qualité

« Le balanin, on sait qu’il y a des dégâts mais on sait les sortir ; les punaises on ne les voit pas. Elles font une nécrose blanchâtre à brunâtre sur l’amandon qui finit par pourrir : vous recrachez ! On ne peut pas commercialiser la récolte dans l’état où elle est, avec 25 à 30 % de défauts, tout l’enjeu est là. A la coopérative, la fin des agréages est imminente. Sur les 6 500 tonnes qui sont à Cancon, il ne resterait que 4 000 tonnes, non commercialisables en l’état et difficiles à trier.»

Urgence phytosanitaire

Privés de l’acétamipride, un néonicotinoïde, dont ils ne peuvent plus faire usage depuis juillet 2020, les producteurs français n’ont maintenant recours qu’à des produits de contact, des pyréthrinoïdes. Toutefois, ils n’ont pas une bonne efficacité sur les ravageurs et leur emploi s’avère compliqué par météo pluvieuse en raison de fenêtres de traitement très courtes et des lessivages, comme cela a été le cas sur cette récolte 2024, explique-t-elle. « On n’a plus de produit efficace, l’Italie et l’Espagne y ont accès, il nous faut une harmonisation phytosanitaire. Ce n’est pas un problème de marché, c’est un problème de qualité. »

Elle avait envisagé des plantations nouvelles et le renouvellement d’un verger qui avait été abîmé par la grêle en 2007 : « Si on n’arrive pas à avoir de solution phytosanitaire, ce n’est pas de la noisette qui sera replantée. Mais quoi ? » Elle espère une solution pour la récolte 2025. C’est aussi de la concrétisation du projet d’installation de son fils dont il est question.

Dominique Forneris

Séverine Bégué et son Fils Paul