Gel en production de noisettes : où en est-on ?

Lors de la visite de la préfète sur l’exploitation de Thierry Gouze au Mas-Grenier le 16 avril dernier, vous aviez fait part de la difficulté à évaluer les conséquences du gel sur la production de noisettes faute de recul, et évoqué des pertes allant de 30% à 70% en fonction des situations. Qu’en est-il maintenant, à la mi-juillet ?
Maintenant, on y voit un peu plus clair et il n’y a pas beaucoup de noisettes ! Sur les variétés très précoces, il reste 10% de la récolte et il en reste 30% sur les précoces. Pour les variétés de cœur de récolte, on a 50% de la récolte et pour les tardives, on est à 65%.

Vous parlez d’une chute physiologique habituelle autour du 14 juillet. Expliquez-nous ?
La pollinisation a lieu de Noël à fin février et la fécondation en juin. La chute physiologique, on y est en plein, les fruits non fécondés tombent. Et ça tombe beaucoup ! On soupçonne le gel d’avoir malmené nos noisettes. Est-ce que cette période de chute est terminée ? Non, ce n’est pas fini. Nous avons un retard de 8 jours sur la date de maturité, lié à la pluie et aux températures fraîches de ces derniers temps. Le phénomène va encore se poursuivre quelques jours.

Lorsque vous évoquez l’impact du gel, vous employez le verbe “soupçonner”. Pourquoi cette précaution ?
Comme je l’ai déjà dit, nous n’avons pas de recul. La dernière expérience du gel remonte à 1991. Et il y a 30 ans, les surfaces en noisetiers étaient peu importantes et surtout les variétés n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui : c’étaient des variétés à coque, on n’avait pas de variétés d’industrie. Toutefois, les conditions des 15 premiers jours de juin étaient favorables à la fécondation, donc on soupçonne le gel. Quant à la qualité, on ne sait pas ce qu’il en sera. Là encore, on manque de recul.

Comment la coopérative UNICOQUE envisage les choses ?
La coopérative travaille sur deux scénarios. Un premier, optimiste, avec une récolte à 7 000 tonnes, c’est à dire identique à celle de la campagne précédente en tenant compte de l’augmentation des surfaces de 500 ha/an et un deuxième, beaucoup plus alarmant, à 5 000 tonnes avec très peu de noisettes d’industrie et de variétés précoces. Dans ce cas, on ne pourra pas alimenter nos clients qui risquent de se détourner de nous. Il faut savoir que la récolte est excellente en Turquie, que l’Italie et l’Espagne n’ont pas gelé : au niveau mondial on nous annonce 1,1 millions de tonnes.

En interne à la coopérative, des mesures de soutien aux adhérents ont-elles été décidées ?
Nous avons mis en place un report d’annuités concernant les prêts plantation et les prêts mécanisation. Nous avons aussi différé l’appel de capital social. Nous proposons aussi des avances de trésorerie de 30% de la valeur récolte et un déblocage de la caisse de péréquation à hauteur de 500 000 euros. Tout cela a été voté : notre volonté est qu’aucun adhérent d’UNICO-QUE ne reste sur le bord du chemin de la réussite. Nous sommes sur une culture pérenne qui a 30 à 40 ans de vie : il n’est pas question qu’un adhérent soit stoppé dans son parcours. La filière noisette compte aussi sur le soutien de l’Etat, qu’il s’agisse de la procédure calamités pour laquelle une deuxième mission d’enquête s’est rendue sur le terrain mardi dernier, du PGE, du dégrèvement d’impôts fonciers ou des mesures sociales mises en œuvre par la MSA.

Comment vont les producteurs ?
On sort de deux années où les rendements ont été très moyens, et avec le phénomène d’alternance, cette année on aurait du avoir une belle récolte, mais il y a eu le gel. Le contexte est morose. A la suite du gel, plusieurs réunions bout de verger ont été organisées en petit groupe et tous les producteurs ont été contactés par leur administrateur référent pour évaluer les situations individuelles. Il y a des situations qui nous inquiètent avec des problèmes de trésorerie, d’autant que les producteurs de noisettes sont généralement aussi producteurs de fruits et donc touchés par le gel. L’étape critique interviendra en fin d’année…

Propos recueillis par Dominique Forneris